TV connectées : "the perfect storm"

Ci contre, prévisions de ventes d'écrans connectés (source: Display Search - Avril 2011) , en France selon le SIMALEC 5 millions de TV connectées seront vendues en 2012.

Enfin ! Il semble que l'année 2011 sera celle de la TV connectée (et croyez moi cela fait un moment que je l'attends). Les conférences et colloques se multiplient, comme celui qui s'est tenu aujourd'hui au Musée Branly, organisé par le CSA. Quelques morceaux choisis. 

Pourtant ils se trouvent quelques esprits chagrins pour annoncer d'ores et déjà un échec ou du moins un non évènement. 

Les box internet, l'esprit minitel ?

Première critique, la TV connectée existe déjà chez nous, grâce à nos fameuses box internet, rien de neuf. Effectivement, la France est devenu leader mondial de l'IPTV grâce à ces équipements qui permettent de recevoir la télévision via une connexion ADSL. 

Pourtant à bien y regarder ces box sont plus proches du minitel que du Web :

• capacités matériel assez limité, il a fallu attendre la freebox révolution pour avoir des capacités de traitement se rapprochant d'un smartphone
• système cloisonné, chaque opérateur a ses propres fournisseurs, sa couche logicielle, qui souvent ne lui appartient pas (ils achètent souvent des équipements clés en main)
• focalisation sur quelques services interactifs qui rapportent immédiatement, comme la vidéo à la demande, avec assez peu d'innovations en termes d'interactivité : aucune possibilité de personnalisation du contenu même si des démos existent, pas de publicité ciblée
• Modèle peu coopératif avec les tiers, qui combiné au cumul des rôles pour l'opérateur et à une certaine lourdeur administrative renforce les points précédents

Il est d'ailleurs intéressant de noter que Xavier Niel, peu avant l'introduction de la freebox révolution, annonçait la mort prochaine des box au profit des TV connectées...

Pourtant les opérateurs pourraient utiliser leurs équipements avantageusement pour préparer la TV connectée :

• En développant des applications permettant d'accéder à leurs bouquets sur toutes les plateformes, comme ils le font déjà sur mobiles et tablettes
• En faisant profiter éditeurs et développeurs de leur base installée pour tester de nouveaux concepts
• en développant de nouvelles offres de services en matière de diffusion de contenus (comme SFR et son CDN), allant jusqu'à utiliser les passerelles domestiques comme cache local afin d'améliorer la qualité des services vidéos
• En investissant sur les standards de réseaux domestiques pour permettre une meilleure communication entre appareils autour de la TV connectée
• En mettant à disposition des fabricants leur service client pour faciliter la connexion à internet des nouveaux équipements

TV connectée, la tempête du siècle?

La télévision connectée (ou "smart TV") a elle le potentiel d'introduire de véritables changements dans "l'écosystème du salon", car elle reprend à son compte tous les ingrédients du mobile "post iphone" :

• Elle réutilise les mêmes bases techniques que celles qui ont fait le succès des mobiles, au niveau matériel ou logiciel: processeurs, systèmes d'exploitation, environnement applicatif;
• Elle réplique le modèle économique de la boutique d'applications et de la coopération transparente entre fabricants et développeurs;
• Elle permet aux applications d'accéder à l'ensemble des fonctions d'un téléviseur : écran, audio, sources vidéos, capteurs, caméra et surtout la télécommande principale;
• Elle donne le champ libre pour créer de nouvelle interfaces utilisateurs non plus basée sur des l'utilisation de boutons mais sur de nouveaux types d'interactions (voir la nouvelle télécommande de LG utilisant un pointeur).
• Elle est une planche de salut pour les fabricants, qui cherchent à trouver de nouvelles sources de revenus dans un contexte de pression concurrentielle et de réduction de la durée de vie des produits, ce qui les pousse à être plus réactifs que les autres acteurs

Avec la mise en place de cet "écosystème" favorable développeurs et éditeurs sont libres de créer des applications innovantes qui recréent l'expérience télévisuelle ("leanback"), incitant ainsi les utilisateurs à brancher leurs TV à Internet, et donc à renouveler leur équipement.

Bien sûr cela introduit de nouveaux défis pour ces fabricants qui doivent acquérir de nouvelles compétences en matière de développement logiciel, de gestion du cycle de vie de leurs produits et de relation client pour s'adapter au "temps internet". Il leur manque également pour l'instant un "modèle à suivre" mais cela va sans doute bientôt changer...

Et les chaînes dans tout ça ?

L'erreur des chaînes aujourd'hui est de mélanger la TV / média et la TV / écran domestique, tout comme les opérateurs téléphoniques ont longtemps confondu "terminal de réception/émission d'appel" et "téléphone".

Cela se traduit par un focus sur la lutte contre les "widgets" qui ne sont pas le principal risque pour elles (après tout qui a envie de voir ses messages twitters s'inscruster sur sa série préférée?). Non le risque est bien d'être remplacées par des applivisions comme facebook TV.

Pour défendre leurs rôles elle doivent jouer au mieux de leurs principaux atouts:

• la multidiffusion, idéal pour transmettre des évènements en live ou stimuler l'implication des spectateurs en temps réel
• leur capacité à créer une programmation s'adressant à des profils types de spectateurs 
• leur capacité à monétiser cette audience

Bref tout n'est pas perdu, et comme le dit Michel Boyon, Président du CSA, ce sera au marché et aux Français de choisir. A condition qu'on leur en laisse le choix...