Si on ajoute à ces annonces la montée en puissance de Netflix en France (qui compterait plus de 3,5 millions d'abonnés), les rumeurs de rachat de Molotov et de ses 6,5 millions d'utilisateurs par un opérateur télécom français et la perspective du lancement de nouveaux services de sVOD dans l'Hexagone par Apple, Disney ou Sky, les nuages s'accumulent sur le "Paysage Audiovisuel Français".
Pendant des années opérateurs et chaînes se sont satisfaits du modèle de distribution mis en place au milieu des années 2000, lors du lancement des premières offres "triple play" : sur le téléviseur, outre l'accès aux chaînes en linéaire, les opérateurs distribuent de façon quasi exclusive à leurs propres abonnés les services de vidéo à la demande gratuits (les replays des chaînes, en échange d'une redevance) et payants (les service de vidéo à la demande à l'acte, édités par eux-mêmes ou par les chaînes). Sur mobile et ordinateur, les chaînes peuvent innover et distribuer leurs émissions en direct et à la demande grâce leurs propres applications de replay, en parallèle de celles proposées par les opérateurs (sauf Free).
Ce modèle a permis un fort développement en France de diffusion TV sur IP via les box et de la consommation non linéaire de programmes. Il a sans doute connu son apogée avec le renouvellement - dans la douleur - des contrats de distribution entre les principaux groupes audiovisuels et les opérateurs télécoms au début de l'année.
Pourtant les inconvénients de ce modèle sont connus depuis des années : les chaînes ont délégué aux opérateurs la connaissance client et l'innovation sur l'écran le plus utilisé pour consommer leurs contenus - le téléviseur. Au fil des années les opérateurs ont ralenti le rythme des innovations sur leurs "box" TV, tentant de préserver leur ARPU (Revenu moyen par abonné) et de minimiser leurs investissements plutôt que d'anticiper de nouveaux usages. Sur le mobile et le web la concurrence entre les applications TV des opérateurs et celles des chaînes a dispersé les ressources de développement et de marketing et empêché l'émergence d'un service à même de concurrencer les acteurs étrangers. Tout cela combiné à un environnement réglementaire conçu pour préserver au maximum le statut-quo.
Aujourd'hui ce modèle est arrivé au point de rupture et les stratégies des chaînes et opérateurs divergent. Après avoir initialement soutenu un acteur indépendant - Molotov - les premières tentent de regrouper leurs efforts et d'investir tous les écrans avec une offre OTT payante, Salto. Les opérateurs tentent eux de surfer sur la vague OTT en signant des accords de distribution avec les leaders du secteur comme Netflix (et sans doute bientôt Amazon Prime), tout et en développant leurs propres offres OTT s'appuyant sur leurs accords de distribution et pour certains leurs propres contenus (OCS pour Orange, RMC Sport et Altice Studio pour SFR).
Opérateurs et chaînes s'orientent donc de plus en plus vers une stratégie de "coopétition", où ils seront partenaires pour adresser les clients restés sur les offres "historiques" en décroissance (télévision linéaire et vidéo à la demande à l'acte distribuées via les réseaux managés et les décodeurs IPTV) tout en s'opposant sur les offres en forte croissance (services de vidéo sur abonnement distribués en OTT).
De quoi présager de nombreux affrontements entre les deux camps sur le terrain médiatique et réglementaire dans les prochains mois, dont les "barbares" de l'OTT ne manqueront pas de profiter !
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