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mardi 28 septembre 2021

Les années 20, les années streaming

 Le nouveau chromecast de Google


Après 18 mois de pandémie, confinements et déconfinements, les premiers effets durables du Covid-19 sur les habitudes de consommation média des français se font sentir. Si la croissance des services OTT semble se stabiliser, l'équipement en appareils de streaming continue à progresser. Selon une étude récente de NPA Conseil, citée par Le Figaro, «La proportion des français disposant d'au moins un équipement de ce genre [smart TV, clé HDMI, box OTT, console de jeu vidéo] a franchi au 1er semestre 2021 le seul des 70% », contre 62% début 2020, « et près de la moitié des Français possèdent désormais une Smart TV. Ce qui veut dire que les box des opérateurs télécoms sont de moins en moins un passage obligé pour s'abonner aux services de streaming.». 

Les opérateurs anticipent ainsi la fin de leurs décodeurs TV propriétaires en proposant d'ores et déjà TV connectées, consoles et boitiers OTT à leurs abonnés comme BouyguesSFR (sans app de streaming associée) ou Free, tandis que d'autres s'y préparent comme Orange. Ils mettent également en avant les services de streaming comme Netflix, Prime Video ou YouTube sur leurs décodeurs TV traditionnels, souvent au détriment des services de rattrapage des chaînes françaises. En parallèle le développement du très haut débit (Fibre essentiellement), qui représente désormais plus de 50% des abonnements internet, facilite l'utilisation du streaming pour la distribution de contenus en très haute définition ou à faible latence, éliminant les avantages des canaux de distribution traditionnels.

Côté services, les nouveaux acteurs venant des Etats-Unis privilégient au lancement les appareils de streaming pour lesquels ils ont déjà développé des applications compatibles et peuvent négocier des accords de mise en avant mondiaux. C'est aussi bien le cas des services gratuits comme Pluto TV ou payants comme Disney+ ou Apple TV+, en attendant Peacock, HBO Max et Discovery+. Les services français ne sont pas en reste et multiplient les (re)lancements d'applications sur boitiers OTT et TV connectées comme SaltomyCanal, Molotov ou france.tv

Conscients de leur position stratégique, les fabricants d'appareils de streaming renouvellent leurs interfaces pour mettre l'accent sur les recommandations et la recherche universelle et s'imposer comme des "guides universels du streaming". En témoignent le nouveau Google TV, les nouvelles TV LG ou les Fire TV d'Amazon, dont les premiers téléviseurs (pas encore disponibles en France) font la part belle aux contenus en streaming à la place de la traditionnelle liste de chaînes.


Enfin côté contenus, les nouveaux entrants étant contraints de participer au financement et à l'exposition des œuvres locales, ils peuvent se prévaloir d'une offre de contenus locaux de plus compétitive face aux acteurs franco-français. Dans le domaine du sport, l'irruption de Prime Video dans le droits de Roland Garros puis le lancement sans accroc de son Passe Ligue 1 100% OTT prouve qu'aucun type de programme n'est à l'abri du streaming. Même le linéaire trouve sa place avec les nouveaux services "FAST" (services linéaires gratuits financés par la publicité) qui permettent de reproduire l'expérience de zapping de la TV traditionnelle.
 
Comment peuvent réagir les acteurs traditionnels de l'audiovisuel pour se préparer à cette décennie du streaming ? 

Côté distributeurs et opérateurs, la tendance est à la création de "bouquets" haut de gamme proposant un large panel de services en streaming payants, comme l'offre Delta de Free ou Ciné Séries de Canal+. Cette approche se heurte à la stratégie d'Amazon et Apple, qui se positionnent eux aussi comme distributeurs avec respectivement Prime Video Channels et Apple TV Channels. Ils pourraient même à terme renverser la table en proposant aux opérateurs internet de distribuer leurs offres d'accès internet en marque blanche.

En parallèle les offres groupées rassemblant services et appareils de streaming devraient aussi se multiplier, comme celle de Google avec Molotov ou Salto avec Conforama.

La multiplication des services contraindra certains acteurs à s'allier pour proposer des offres complémentaires, par thème (sport et cinéma/séries) ou mode de consommation (linéaire et à la demande), voire en créant des abonnements type "box découverte" permettant de découvrir chaque mois un nouveau catalogue.

La multiplication des services et appareils de streaming associée à l'essor des réseaux à très haut débit devrait accélérer le déclin de la diffusion linéaire traditionnelle (via TNT, câble, satellite et IPTV). En cas d'accord trop défavorable sur la chronologie des médias, Canal+ pourrait ainsi mettre ses menaces à exécution et rendre sa licence TNT pour devenir une plateforme 100% OTT. De même dans le cadre de leur projet de fusion TF1 et M6 n'auront pas d'état d'âme à se séparer de certaines chaînes linéaires, tant qu'elles peuvent librement rapprocher leurs plateformes de streaming (gratuites et payantes) et leurs régies publicitaires numériques. 

Les grands gagnants resteront les plateformes, seules capables de maitriser les interfaces d'accès et de recommandations vers les différents services tout en conservant une relation directe avec l'utilisateur final, et en premier lieu les "3A" : Apple avec Siri et TV App, Alphabet avec Assistant et Google TV et Amazon avec Alexa et Fire TV.

Les grands perdants de la décennie seront les groupes TV traditionnels bloqués par leurs accords de distribution et le cadre juridique de la diffusion hertzienne datant des années 80. Ne pouvant s'adapter au "nouveau monde", que ce soit en élargissant leur distribution pour adresser les utilisateurs de streaming directement sur tous les écrans, en s'alliant à d'autres acteurs pour créer de nouvelles offres ou en exposant leurs catalogues sur les plateformes des "3A", ils seront condamnés à voir leurs programmes mis en avant par d'autres, leurs marques diluées tandis qu'ils perdront toute relation avec leurs spectateurs. 

Leur seul salut à court terme pourra venir du législateur qui pourra imposer la reprise et la mise en avant des services comme au Royaume-Uni. Cependant compte tenue de la lenteur du processus législatif et du contexte électorale du début des années 2020, la marée de l'OTT risque d'être la plus rapide ...

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