Nouvelle version du service FAST de LG |
L'inquiétude principale en cette rentrée concerne à présent les services FAST ("Free Ad Supported Television", en bon français télévision gratuite financée par la publicité), et plus spécifiquement les bouquets de chaînes gratuites opérés par les fabricants de téléviseurs, comme Samsung TV Plus ou LG Channels. Loin d'être de simples "apps" téléchargeables, ces services bénéficient d'une intégration profonde au système d'exploitation des Smart TV, les chaînes FAST apparaissant au même niveau que les chaînes hertziennes. Ces services sont également embarqués sur les "moniteurs intelligents" des constructeurs, qui deviennent des téléviseurs à part entière (mais sans Tuner TNT). Les fabricants voient dans ces services l'occasion de monétiser leur base installée via la vente d'espaces publicitaires, alors que le modèle initial de l'app store Smart TV n'a pas généré les revenus escomptés.
Derrière Samsung et LG, les autres fabricants suivent la même stratégie ; ceux qui avaient adopté Android TV remettent d'ailleurs en question leur choix face à l'arrivée probable d'un service FAST édité par YouTube, et s'appuient sur de nouveaux éditeurs d'OS comme Tivo ou Zeasn. Même chose pour les constructeurs qui ont adopté Fire TV, sur lequel Amazon propose désormais son bouquet de chaînes "Fire TV channels" et son service FAST Freevee.
Sur les Smart TV Samsung la TNT n'est plus qu'une application comme les autres |
L'essor des services FAST "pré-intégrés" par les fabricants risque à nouveau de marginaliser les chaînes de TV traditionnelles sur leur appareil de prédilection, le téléviseur, et pour leur offre principale, le linéaire. Grâce au succès des services sVOD comme Netflix, Prime Video et Disney+, la part des téléviseurs raccordés à Internet est en progression constante tandis que la réception des chaînes traditionnelles est majoritairement assurée via les décodeurs IPTV. Au contraire le raccordement direct du téléviseur à l'antenne hertzienne est de plus en plus marginal, freinant par la même occasion le déploiement du standard HbbTV.
Face à ces développements, les approches diffèrent suivant les pays européens. Les principales chaînes britanniques viennent d'annoncer le lancement par leur filiale commune Everyone TV d'un nouveau service de streaming nommé "Freely" regroupant l'ensemble de leurs chaînes linéaires et services de TV de rattrapage. Ce service s'appuiera sur Freeview, la plateforme TNT britannique qui propose également un portail de rattrapage embarqué sur un grand nombre de téléviseurs. Il permettra d'adresser les téléviseurs non raccordés au réseau hertzien ou satellite, sous réserve que les fabricants le distribuent sur leurs appareils (Samsung n'intègre pas Freeview Play).
En Allemagne, Italie et Espagne les chaînes hertziennes testent de leur côté le déploiement du DVB-I, nouveau standard qui vise à "référencer" les chaînes en streaming sur les téléviseurs connectés via une liste de services gérée par un tiers de confiance. Lors de la configuration initiale du téléviseur, celui-ci pourra ainsi "scanner" les chaînes disponibles en streaming (et les plateformes de rattrapage) pour les ajouter directement à son plan de service, en complément ou remplacement des chaînes hertziennes. En l'absence d'obligation légale, le standard devra cependant être adopté et déployé par les fabricants de téléviseurs.
Les partenaires de l'expérimentation DVB-I en Allemagne.
En France la situation est compliquée par le fait que TF1 comme M6 ne proposent pas d'accès gratuit (hors TNT) à leurs chaînes linéaires sur TV; il faut nécessairement passer par le décodeur ou l'application d'un de leur distributeurs (Orange, SFR, Free, Bouygues, myCanal ou Molotov) ou souscrire à une option payante sur leurs apps myTF1 ou 6Play. myTF1 propose cependant un accès gratuit à ses chaînes FAST "Stream" sur télévision connectée, à la différence de M6 qui les limite à ses abonnés payants.
Pour s'assurer de leur avenir, les chaînes françaises vont donc d'abord devoir résoudre leur problématiques de distribution puis se coordonner pour déployer leurs services linéaires et à la demande sur téléviseur. La solution pourrait s'appuyer sur la modernisation de la TNT, en discussion depuis 2017, en vue d'imposer aux fabricants de téléviseurs et décodeurs qui souhaitent obtenir la certification TNT le support de la réception des chaînes en streaming, par exemple via le standard DVB-I.
Un problème cependant : toute promotion du streaming va s'opposer aux recommandations actuelles pour réduire l'empreinte environnementale du numérique. Celles-ci mentionnent la baisse de la diffusion vidéo en streaming comme l'une des principaux axes de réduction des émissions de CO² du secteur, et ce malgré des études contradictoires ... Nul doute que cette opposition sera exploitée par certains acteurs pour empêcher toute nouvelle obligation de distribution !
[Edit du 29/9/23] : *Bouygues et Pluto TV ont annoncé un accord de distribution permettant au service FAST d'être mis en avant sur l'interface des Bbox de l'opérateur (son application était déjà disponible via le Play Store).